Le pigeon de Yoritomo

 

Partant du principe, que lorsque les doutes sur l'avenir obscurcissent d'un voile impénétrable toute projection sur un futur inimaginable, il faut savoir revenir vers les fondamentaux,       il m'a semblé opportun de vous parler d'un Namiki de la série Yukari, qui me semble à la fois être un  décors très abouti et porteur d'une symbolique de circonstance dans ce monde très agité.

 

Très agité ?

 Oui, mais ce n'est pas la première fois et à la réflexion ,vous vous dites que nos ancêtres en ont connu bien d'autre pour aboutir à nous remettre en mains propres cet espace, qui vaut ce qu'il vaut, mais qui à l'avantage d'exister, par opposition à tous ceux dont nous rêvons , mais qui ont l'inconvenient de ne pas être à notre disposition et  dont nous avons momentanément , de ce monde, qui existe,la gestion.

 Je ne vous parle pas de la responsabilité, qui , elle , est éternelle, mais qui , comme disent les contempteurs du Tahagahata, ne dure qu'un certain temps , comme toutes les éternités ayant épuisé leur énergie avant de se dissoudre et de passer à autre chose...

 C'est comme ça.

 Alors ce beau stylo illustrant ce magnifique pigeon porte-t-il un message de paix, que l'on agiterait comme un hochet propiatoire ?

 En fait oui... et non !

 En effet, le pigeon, la colombe, est l'image d'Hachiman, le dieu de la guerre, ce qui n'est pas tout à fait l'idée que nous nous faisons de la mission terrestre de ce volatile dédié à la paix.

 Pourtant, lorsque l'on se balade dans les temples de la période post-Kamakura,  de l'Archipel, force est de constater que Hachiman est toujours associé à Kannon,Avalokiteshvara, Bouddha de la compassion ,notre  avatar préféré.

 Cet apparent paradoxe est à la mesure de la pensée religieuse japonaise balançant sans trêve ni repos  entre les deux pôles du shintoisme et du bouddhisme dans un mouvement, qui lui procure cet équilibre inattendu dans le déséquilibre, qui nous surprend et nous émerveille .

 Je dis mouvement, comme on parlerait d'un balancier à la recherche non pas d'une synthèse, mais d'un efficace, suivant le principe que "si ça marche, c'est que c'est vrai".

 Pour tout vous dire, si Hachiman est le dieu de la guerre, ce n'est pas nécessairement qu'il aime les vainqueurs, mais c'est surtout qu'il nous protège de la guerre, ce qui n'est évidement pas la même chose et si nous en sommes arrivés là, c'est en partie la faute de Yoritomo.

 Yoritomo ?

 Oui, vous vous en souvenez, ce fut le premier Shogun au 12 eme siècle en pleine féodalité et d'ailleurs en pleine bagarre entre son clan , les Minamoto et leurs rivaux et apparentés les Taira ou Heike.

 Yoritomo fut le grand "pacificateur" de la période intermédiaire marquée par les grandes révoltes, qui aboutiront à la guerre du Gempei et à l'effacement de l'Empereur.

 Mais pour en arriver là, ça ne s'est pas fait tout seul et en matière de vents contraires aparement opposés à son destin Yoritomo était un expert.

 Enfant,il n'avait dû la vie qu'à la clémence , fort peu perspicace, de  Kyomori, mais avait subi l'exil , tandis que son demi-frère , le futur Yoshitsune était contraint d'entrer dans les ordres, là encore une très mauvaise idée...

 Je vous passe les péripéties, mais revenons à cette illustration de la colombe.

A l'issue de la bataille  de Ishibashiyama ,désastreuse comme un référendum grec, voilà notre Yoritomo isolé poursuivi par les Taira.

 Harcelé par la meute acharnée de ses poursuivants ,la poursuite étant un acte majeur de l'art de la guerre au Japon ,  il se refugie dans un vallon, puis dans le feuillage d'un arbre ,ultime refuge oû la sagacité de Kajiwara Kagetoki va le découvrir, quand soudain l'envol brutal de deux colombes à l'autre bout du vallon détourne l'attention des reîtres et lui permet de s'enfuir.

En reconnaissance Yoritomo, lui-même bouddhiste décide d'associer l'image de la guerre et de la compassion au sein des mêmes temples.

 Voilà l'histoire.

 C'est tout ?

 Non ,car sinon ce serait trop simple et ne releverait que de la dualité.

 En effet , un petit indice nous révèle un sens caché, discret , mais majeur.

 Il s'agit de la présence de deux kakis, en japonais dans le texte.

Ces jolis fruits mordorés qu'apprécient tant les chinois et qui donne un éclairage complémentaire.

 Pourquoi ?

 Parce que notre Hachiman en question offre à la colombe un perchoir bien singulier.

 Son épée.

 Mais pas n'importe quelle épée.

Rien à voir à ces élégants katana joliment incurvés.

 Non , rien à voir.

 Il s'agit de l'épée chinoise traditionnelle, celle qui fait partie des trois trésors, droite et à deux tranchants.

 Cette présence nous indique qu'il faut se référer à une signification symbolique chinoise pour bien comprendre le message, car la présence de deux kakis est un présage de réussite en Chine.

 Kaki se prononçant comme "tout va bien", même s'il s'écrit diffèremment.

 Le sens final est donc comme voilé par la dualité facile à comprendre, du bien et du mal , alors qu'il faut bien sûr capter que la paix, objectif final de la guerre et de la victoire n'est donnée qu'à ceux qui n'en ont pas peur.

 De la paix.

 Tant de réalisme vous fait froid dans le dos ?

 Consolez vous en appréciant la subtilité de ce décor en Togigashi.

Je me permet d'ajouter que les exemplaires réalisés sur cette série "Pigeons et kakis", retirés du catalogue Namiki, sont particulièrement bien réalisés bénéficiant d'un ponçage d'une qualité exceptionnelle, ainsi que le montre bien la photo.

 Ils méritent une place dans votre collection.

 Vous noterez , au passage , que le graphisme est incroyablement moderne avec un détail des ailes, qui m'a fait penser à Fernand Leger.

 Mais ça , je suis incapable d'expliquer pourquoi.

 

 

 

 

 

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