Kicékifé Gri Gri, suite.

Automne précoce.
Automne précoce.

 

 

Comme promis, je vous complète mon précédent article sur l'Automne précoce de Yoshida, avec une photo du deuxième grillon, que l'on qualifiera de chanteur, c'est dans cette posture,ailes déployées,  qu'il exprime le mieux sa partition.

 

A moins que ce ne soit un effet de parade nuptial, car vous le savez , les grillons , comme les castors ne pensent qu'à ça.

 

J'écarte cette hypothèse bien sûr, car elle fausserait le sens de mon post.

 

Je tenais à cette photo, car elle exprime dans le détail infime la difficulté de l'art du laque, qui est dans son expression ultime une technique d'assemblage d'éléments composites, produit d'une     improbable rencontre de principes que tout oppose , dont dame nature n'aurait jamais eu le projet, mais qui montre bien en définitive ce qui distingue la pensée humaine du rêgne animal, dont il procède, à savoir la création artistique.

 

Regardez bien et ouvrez les yeux sur la beauté offerte à votre contemplation.
Comme tous les vrais trèsors, faites l'effort d'en capter l'esprit, le souffle et le mouvement.

 

D'abord, hissez votre regard sur le haut du capuchon.
Sur un support uni d'or illusionniste, poncé de telle manière que la matière semble absolument pure comme de l'or massif , l'artiste a semé une pluie de poussière d'or, avec son tsutsu.

 

Cette poussière précieuse s'est déposée sur un fond de laque transparent et encore humide avant polymérisation dans le muro.

 

Puis, grande patience et suprême habileté, ces grains d'or sont  poncés au charbon de bois de camélia ou à la poudre de corne de cerf, de telle manière que leur rendu irrégulier renvoient la lumière dans tous les sens et donnant à ce travail unique un effet de troisième dimension, la profondeur, que même la peinture flamande peine à obtenir.

 

Toujours la Hollande et toujours Van Eyck...
Il faudra y revenir certainement.

 

Sur les fonds d'or également , j'ai ma petite idée sur la question, mais là il faudra peut-être faire le voyage de Lisbonne et se plonger dans les missels dominicains...

 

On y reviendra aussi.

 

Mais , comme d'ab, je m'étais éloigné du sujet, mon petit grillon , toutes ailes déployées, qui fait son cinéma.

 

Comme indiqué précédement, le haut du capuchon en fond de nashiji, si finement poli que votre main n'y décèle pas la moindre aspérité et semé de "pépites" indécelables au toucher , dont le relief ne se manifeste que pour votre regard et jamais pour votre main, percute notre suzu-mushi, réalisé tout en relief de taka maki-è, comme une petite montagne d'or.

 

Mais une montagne vivante , dentelle précise et précieuse posée comme sur un vitrail d'abalone dont en fait elle épouse les contours.
Les nervures des ailes sont en hira maki-è.
Le miracle est dans l'union de l'or à plat et en relief, du nacre et des pigments, sans que rien ne craquelle et n'en modifie l'immuabilité.
Comme pour la peinture à l'huile occidentale.
Maintenant que je vous ai mis sur la piste, faites vite un saut au Musée d'Orsay, pour voir le contre exemple caractéristique, que constitue le tableau de Courbet dans son atelier.
Un mauvais choix des pigments et des siccatifs en rend progressivement le rendu illisible.
Les craquelures en escargot, altèrent la surface et gênent l'oeil.
Les remontées de noir de goudron, qui vont l'obscurcir définitivement, ne sont pas un choix de l'artiste, mais un effet des interactions de matières, qui ne se supportent plus, veulent vivre leur vie sans tenir compte de l'effet d'ensemble, que l'on appelle l'harmonie.
Rien de tel chez Yoshida, maître parmi les maîtres de la peinture.

 

Tout semble facile pour une main ,qui ne tremble pas.

 

Plongez maintenant, ans le détail ;  la tête et les yeux de l'insecte vous font certainement , immanquablement penser aux fourmis sculptées sur les ojime de l'école d'Osaka, si mes souvenirs sont bons, je vérifierai ça quand j'aurai reçu mes livres, encore dans leurs cartons de déménagement.
Courbet faisait et c'était chouette, dans le kolossaal, le monumentaal, le philharmonique, la démesure, ici nous sommes dans le discret, le caché, même s'ils en font un raffut ces suzu-mushis, quand ils unissent leurs clochettes !

 

Pour revenir aux lacunes de cette présentation, je vous accorde, que si travailler de mémoire et sans notes, permet de  s'affranchir de la culture des autres,  c'en est aussi la limite.
Aussi la semaine prochaine, c'est décidé, j'ouvre mes cartons...
Sumimasen...
Ps: troisième volet de l'Automne précoce en vue avec le dernier larron de cette saga, la mante religieuse.

 

 

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