Kisékifé Gri Gri ? C'est le suzu-muchi!

Suzu Muchi
Suzu Muchi

 

 

Dans la brume électrique de cet été de plomb, on passe sans cesse du rêve à l'insomnie bercé  (hanté ?) par le le concert des cigales et des criquets, des grillons de nuit, comme celui illustrant le capuchon de cet Empereur de Namiki réalisé par Yoshida et dont il constitue en quelque sorte le chant du cygne en tant que laqueur en chef "executive", de Namiki.

 

Eté de plomb, pour nous autres écrasés dans le Sud, escagassés  de chaleur à " Fournaise en Provence", mais "Automne précoce ", pour Yoshida, qui laisse percer une certaine nostalgie du temps ,celui qui passe, paraît-il, comme les pages d'un livre que l'on tourne avec nostalgie, parfois avec rancoeur...

 

Mais peu importe, puisque nous savons bien que le temps n'existe pas et que hier regénére aujourd'hui et aujourd'hui regénére demain.

 

Shobogenzo, peut-être ?

Mais c'est bien sûr!!!

 

D'ailleurs , qui peut toucher les barrières du temps ?

 

Mais revenons à notre Yoshida et cette illustration d'un...

Non , pas d'un mouton, Antoine, voyons ...

D'un "suzu-mushi"!!!

 

Ce stylo, chef d'oeuvre technique d'un maître; qui travaillait vite, n'a pas eu un tel succès commercial,lors de sa sortie ,( j'allais dire en salle),il demande , à être interprété et analysé, thème par thème, puisque cette oeuvre en comporte plusieurs, illustrés de mushis et de cucurbitacés.

 

Trop loin de l'Occident.

 

Ces décors sont typiques des illustrations relevées sur les inros de la période d'Edo à connotation érotique (la courge, visible sur le corps du stylo) , mais l'autodérision n'est jamais bien loin non plus entre le message de cet homme qui s'estime encore vert, quoique bien mur, bon à quelque chose, mais qui se reconnaît néanmoins déclinant , ou que l'on décline, pour le remplacer par un autre maître, afin que la production ne soit pas compromise, nom d'une courgette !!

 

C'est le message que l'on comprend à travers le thème du grillon suzumushi , annonciateur de l'automne.

 

Hé oui, c'est à son apogée que le soleil commence son déclin .

 

Mais quel travail ,quel éclat entre ces élytres et antennes,réalisées en hira makié dor impalpable, d'une grande finesse, si fragiles qu'on a l'impression de les voir bouger, alors qu'elles vont se perdre dans le fond d'or.

 

Quelle sens de l' illusion !

 

Le corps de notre suzu-mushi est lui toute de virile vigueur,réalisé en relief de taka maki-é,  campé avec assurance , comme le grillon de combat qu'il pourrait-être.

 

Mais c'est dans son rôle d'insecte musicien, que nous le voulons aujourd'hui, pour nous ravir de ce bruissement , qui lorsqu'il est associé à celui de milliers de ses congénères ressemble à celui d'un torrent.

 

Car notre suzu mushi, fait non seulement partie de la catégorie des insectes musiciens, mais mieux encore des insectes instrumentalistes et il joue de la clochette.

 

Ce qui en fait un animal sacré dans la lignée d'Avalokiteshvara.

Kannon au Japon.

 

Compassion...

 

Mais me direz-vous pourquoi toutes ces salades sur les mushis, que l'on traduit par "bestioles" ?

Parce que la passion d'entomologiste est partagée par tout le petit peuple du Japon encore si proche de la rizière, du moins dans sa tête.

Comme eux voyons toutes ces bé-bêtes, non comme des parasites, mais comme des joyaux du vivant, dont les formes sont si loin de nos représentations étriquées de mamifères : deux yeux, une tête, quatre membres !

 

Wouaff, comme c'est banal !!

 

Bien trop court , Monsieur, il en manque chez l'homme .

 

Oû sont les carapaces, les mandibules ,les antennes tactiles, les ailes , les yeux à facettes

,les ventouses pour grimper partout, sans dégringoler et tout et tout.

 

Génial, ce petit peuple , qui vit à nos pieds, vole dans nos cuisines, vrombit comme des aéroplanes, éxècutant sous nos regards blasés des prodiges d'efficacité et de fécondité.

 

Et en plus ça se mange, bande de gourmands !

 

Retenez ,Luculus, que le suzu-mushi aurait un délicat goût de noisette.

 

Miam, ça fond dans la bouche.

 

Rendez-vous vite, vite,pour la suite des commentaires des autres thèmes de ce fabuleux stylo. 

 

Hou, quelle chaleur !

 

 

 

 

 

 

 

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Commentaires: 2
  • #1

    ronan (mercredi, 20 juillet 2011 13:39)

    Un pauvre petit grillon
    caché dans l' herbe fleurie
    regardoit un papillon
    voltigeant dans la prairie.
    L' insecte ailé brilloit des plus vives couleurs ;
    l' azur, le pourpre et l' or éclatoient sur ses ailes ;
    jeune, beau, petit-maître, il court de fleurs en fleurs ;
    prenant et quittant les plus belles.
    Ah ! Disoit le grillon, que son sort et le mien
    sont différents ! Dame nature
    pour lui fit tout et pour moi rien.
    Je n' ai point de talent, encor moins de figure ;
    nul ne prend garde à moi, l' on m' ignore ici bas :
    autant vaudroit n' exister pas.
    Comme il parloit, dans la prairie
    arrive une troupe d' enfants ;
    aussitôt les voilà courants
    après ce papillon dont ils ont tous envie.
    Chapeaux, mouchoirs, bonnets, servent à l' attraper.
    L' insecte vainement cherche à leur échapper,
    il devient bientôt leur conquête.
    L' un le saisit par l' aile, un autre par le corps ;
    un troisieme survient et le prend par la tête.
    Il ne falloit pas tant d' efforts
    pour déchirer la pauvre bête.
    Oh ! Oh ! Dit le grillon, je ne suis plus fâché ;
    il en coûte trop cher pour briller dans le monde.
    Combien je vais aimer ma retraite profonde !

    Pour vivre heureux vivons caché.

    Maitre Yoshida connait-il notre fabuliste et aurait-il voulu s'amuser et en faire une anti-thèse ?
    La finesse de ce suzumushi (mot que je ne connaissais pas avant de vous lire) doit être magnifique entre ombre et lumière !!

    le corps du stylo dépeint quelle thématique ?

  • #2

    Ronan (vendredi, 22 juillet 2011 15:00)

    Bonjour Ronan,
    Ce qui fait la beauté de la pensée japonaise, c'est sa concision dans la précision, tout en intégrant l' humour !
    Souvenez-vous de l'art du haiku, qui va vers le dépouillement.
    Je ne crois pas que Yoshida songeait le moins du mondeà à établir une comparaison ;mais plutôt un effet d'auto-dérision.
    Quant à moi, c'est à Pierre Vassiliu, que je pensais.
    A bientôt.